Décoder la métaphore paternelle 2 : explorer la castration dans la psychanalyse Lacanienne
- pmartinpsy
- 29 mai 2024
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L'impact de la castration sur le désir et la jouissance

« Nous ne savons pas comment les autres animaux jouissent, mais nous savons que pour nous la jouissance est la castration. Tout le monde le sait, parce que c’est tout à fait évident : après ce que nous appelons inconsidérément l’acte sexuel (comme s’il y avait un acte !), après l’acte sexuel, on ne rebande plus. » (Intervention de Jacques Lacan à Bruxelles, publiée dans Quarto. Supplément belge à La lettre mensuelle de l’École de la cause freudienne, 1981, n° 2, p.8).
Dans la théorie Lacanienne, la castration a un impact profond sur le désir et la jouissance. La castration représente la perte de l'objet d'amour idéalisé, une fin inéluctable de cette fusion d’avec l’autre, ce qui crée un manque intense et un désir ardent de combler ce manque. Ce désir intense est ce qui alimente le processus de jouissance.
« Je vous en ai déjà assez dit pour que vous sachiez que la jouissance, c'est le tonneau des Danaïdes, et qu'une fois qu'on y entre, on ne sait pas jusqu'où ça va. Ça commence à la chatouille et ça finit par la flambée à l'essence. Ça, c'est toujours la jouissance. » (Le Séminaire. Livre XVII. L’envers de la psychanalyse. Seuil, p. 83).
Pour lui, la jouissance est un plaisir excessif qui dépasse les limites normales et peut devenir destructeur. Dans le contexte de la psychanalyse, la jouissance malsaine se réfère à une satisfaction « perverse » obtenue par le sujet à travers des pratiques ou des fantasmes qui vont à l'encontre de ses propres envies ou valeurs conscientes, c’est ce que l’on nomme la pulsion de mort. Cela peut inclure des comportements obsessionnels, des addictions, des comportements autodestructeurs, ou même des perversions sexuelles, fumer par exemple, alors même quand 2023 tout le monde c’est que c’est un facteur aggravant du cancer, les gens continuent.

Selon Lacan, la jouissance malsaine est souvent liée à un désir inconscient refoulé et à une difficulté à trouver une satisfaction authentique dans la réalité symbolique par exemple : le travail. Il souligne l'importance de l'analyse pour comprendre et dépasser ces formes de jouissance malsaine, le « pourquoi je fais encore ça », « qu’est-ce qui me pousse vers les même hommes encore et encore »... Potentiellement nous pourrions dire aux fumeurs qu’ils cherchent à renouer le contact avec le mamelon de leur mère (d’autant plus aujourd’hui avec l’embout des cigarettes électroniques), ce moment où l’enfant tète et apaise l’excitation (ici veut dire souffrance) dû à la faim. Ce serait un mouvement de jonction, le fumeur aux prises avec l’excitation (stresse, angoisse) dont il ne peut rien dire, ni rien faire se retrouve démuni et trouve une réponse adéquate à sa souffrance dans la cigarette et son moment pris pour, la cigarette est donc un raccourci. Les fumeurs décrivent très bien le mouvement d’aspiration de la fumée, comme leur remplissant la bouche, les poumons, venant les réchauffer, les réconforter.
La castration a également un impact sur le désir en introduisant la dimension de la loi symbolique. Denis Vasse, nous rappelle que :
« le concept de loi implique la double dimension du commandement et de l’obéissance. Le commandement est une modalité particulière de la demande et il implique l’obéissance qui est une modalité particulière de la réponse. Le concept de loi est fondé sur la parole en tant qu’elle s’adresse à qui l’écoute et désire la mettre en pratique, cette mise en pratique donne au sujet le droit à la parole au même titre qu’à celui qui, dans la loi, commande (…) la parole qui n’est la propriété exclusive ni de celui qui commande, ni de celui qui obéit ».
Selon Lacan, la castration symbolique est ce qui nous sépare de l'objet d'amour idéalisé et nous oblige à entrer dans le domaine de la loi symbolique, soit plus précisément de la parole et du langage.
« C’est ainsi que si l’homme vient à penser l’ordre symbolique, c’est qu’il y est d’abord pris dans son être. L’illusion qu’il l’ait formé par sa conscience, provient de ce que c’est par la voie d’une béance spécifique de sa relation imaginaire à son semblable, qu’il a pu entrer dans cet ordre comme sujet. Mais il n’a pu faire cette entrée que par le défilé radical de la parole, soit le même dont nous avons reconnu dans le jeu de l’enfant un moment génétique, mais qui, dans sa forme complète, se reproduit chaque fois que le sujet s’adresse à l’Autre comme absolu, c’est-à-dire comme l’Autre qui peut l’annuler lui-même, de la même façon qu’il peut en agir avec lui, c’est-à-dire en se faisant objet pour le tromper. » Ecrits, tome 1Jacques Lacan
Cette loi symbolique est un système de règles et de normes qui régissent notre vie sociale et notre interaction avec les autres par le langage (voir article). C’est donc ce qui nous permet de nous inscrire dans le monde social et culturel (ou symbolique) et d'entrer en relation avec les autres. En disant non aux mimiques de bébé, en disant non au charabia de l’enfant, le parent et plus encore le père, Lacan propose l’idée que cette dernière force le sujet à émerger dans le langage. La mimique et le charabia représentent une part de la jouissance, quand l’Autre -la mère- accède à notre demande sans mot. Cependant c’est une chose à développer hors de ce que nous proposons dans cet article.
Bibliographie
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· Freud S. (1900), L’interprétation des rêves, Presses Universitaires de France, 1999
· S. Freud, « Au-delà du principe de plaisir » (1920), dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 104.
· LACAN, J. (1966), « Écrits », Paris, Seuil :
o « Propos sur la causalité psychique » [1946]
o « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je » [1949]
o « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » [1953a]
o « La chose freudienne ou le Sens du retour à Freud en psychanalyse » [1955]
o « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien » [1960]
o « L’instance de la lettre dans l’inconscient » (1957), in Écrits, Paris, Le Seuil, 1966.
· LACAN, J. (19..). Le Séminaire – Livre IV
· LACAN, J. (19). Le séminaire – Livre V : les formations de l’inconscient, Paris, Le Seuil, 2004.
· LACAN, J. (19..). Le Séminaire – Livre VI
· LACAN, J. (19..). Le Séminaire – Livre VII
· LACAN, J. (1979). « Le mythe individuel du névrosé », Revue Ornicar ? n° 17/18, Paris.
· Marin, D. (2019). De la littérature à la lettre de l’inconscient. L'en-je lacanien, 32(1), 37-58. doi:10.3917/enje.032.0037.
· Miller, J.-A. (1966). « La suture (éléments de la logique du signifiant) », Cahiers pour l’analyse, Cercle d’épistémologie de l’École normale supérieure, vol. 1-2, janvier-février et mars-avril 1966.
· Philippe, J. (1990) Pour lire Jacques Lacan, Le retour à Freud, Paris, epel.
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