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Dynamiques Relationnelles et Tiers dans les Couples Homosexuels : Une Analyse Lacanienne - Version complexe

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    pmartinpsy
  • il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour






Il y a quelque temps l’on m’a raconté une histoire de couple, qui pousse à réfléchir. Deux hommes qui se sont rencontrés, ont vécu une période idyllique de fusion, jusqu’à s’habiller pareil (à savoir c’est très commun en Corée du sud pour les couples hétéros). Puis la vie les a rattrapés, dispute, quotidien, travail… la vie du quotidien lourde à porter et que l’on a l’habitude de reporter sur l’autre. « Je raconte tout à mon conjoint » – comme s’il était là que pour çà- vider son impuissance quotidienne sur l’autre-. Le désir s’effrite et ils font entrer un troisième dans leur vie : ils deviennent un trouple. Tous les détails ne me sont pas présentés, mais je comprends qu’il s’y joue un drame, à noël, ils doivent partir à trois en vacances, mais l’un des trois et laissé sur le carreau par les deux autres, voire il est quitté. Deux et Trois partent ensemble et laisse Un à Paris sous la pluie. La personne qui me raconte l’histoire me dit que cela fini bien, parce que finalement c’est Trois qui est quitté et Deux rentre chez lui et présente des excuses à Un (c’est une drôle d’interprétation que de dire que ça se finit bien… ). Ils se remettent ensemble… avant que Deux re-fassent une dépression (visiblement ce n’était pas la première) et atterrisse en HP.

Si vous vous posez la question, c’est le quotidien des histoires que l’on peut entendre chez le psy, en gros c’est très courant.


Introduction





Cet article explore les dynamiques relationnelles spécifiques qui peuvent émerger au sein des couples homosexuels (cela peut aussi se jouer chez les hétéros attention), en particulier lorsqu'ils sont confrontés aux défis de l'intimité et du désir. L'introduction d'un tiers dans la relation est analysée à travers le prisme de la psychanalyse lacanienne, en mettant en lumière les enjeux liés à la castration, au manque et à la quête de complétude.

La théorie souligne l'impossibilité fondamentale du rapport sexuel (citation 1972 « il n’y pas de rapport sexuel »), marqué par la castration symbolique. Cette réalité, qui s'applique à toute relation, peut être particulièrement éprouvante dans le contexte du couple, où l'idéal d'une union fusionnelle est souvent envoûtante. De plus, dans le couple homosexuel, une dynamique spécifique peut s'ajouter de manière plus prégnante : le « jeu de miroir », l’autre serait mon reflet.

En effet, il est fréquent d'entendre que la relation entre deux hommes (ou deux femmes) serait facilitée par l'absence de la « différence des sexes », sous-entendant une moindre dissension par rapport à un couple hétéros. Cette idée repose sur une conception imaginaire, où la similitude de sexe (biologique) est confondue avec l'effacement de la différence subjective. Or, la psychanalyse insiste sur le fait que la question de la sexuation ne se réduit pas au sexe biologique, c’est une question psychique en rapport avec : le féminin et le masculin. La différence, le manque et la castration, sont des éléments structurants du sujet, indépendamment de son orientation sexuelle.

 

L'échec du rapport sexuel et la castration


Il faut savoir que le rapport sexuel, est fondamentalement marqué par l'échec. Il n'y a pas de complétude, de fusion parfaite. Pour faire plus simple, il suffit de visualiser le rapport sexuel (livre de G. Chaboudez) en lui-même : le va et vient ne fait que confirmer la séparation et l’acte d’éjaculation qui fait débander l’homme confirme « la castration », soit l’impossibilité à rester avec l’autre ou à garder l’autre pour ne faire qu’un. La castration symbolique, c'est-à-dire la reconnaissance du manque, est donc inhérente à la sexualité humaine. Dans le contexte d'un couple, cette réalité peut être particulièrement éprouvante, car elle vient bousculer l'idéal d'une union parfaite et fusionnelle, d’orgasme en union : « il ne me fait pas jouir », « elle est frigide », « je ne suis pas satisfait » et le pire de tous « on… »

L'introduction d'un troisième partenaire dans le couple peut être interprétée comme une tentative de gérer cette expérience du manque et de la différence. En focalisant l'échec sur un tiers, le couple cherche à externaliser la responsabilité de l'insatisfaction, préservant ainsi l'illusion d'une unité possible « ne faire qu’un ». C’est communément ce que l’on appelle le mécanisme de "bouc émissaire", qui permet ici de maintenir une certaine cohésion, en déplaçant la source de la d’impuissance.

L'imaginaire joue un rôle crucial dans le maintien de la connexion. La « rencontre imaginaire » des deux partenaires, c'est-à-dire l'image idéalisée qu'ils ont l'un de l'autre et de leur histoire, est préservée grâce à l'introduction d’un autre, qui agit comme un écran voilant la réalité.

L’Imaginaire est l'ordre psychique où le sujet se constitue à travers l'identification à une image, notamment celle de son semblable (parent, héros, professeur). C'est le registre du miroir, de la similitude, mais aussi de la méconnaissance de l’Autre, de celui qui est différent, car cette représentation est toujours une construction, un enjolivement qui masque la réalité du manque.


La « rencontre imaginaire » au sein d'un couple se réfère au moment où les partenaires se reconnaissent comme objets de désir, un moment souvent idéalisé. Loin de la réalité que l'on nomme l'amour, cette rencontre est marquée par une forte charge pulsionnelle, une impression de "fusion", et repose largement sur une construction imaginaire. Les partenaires projettent alors l'un sur l'autre des qualités idéalisées, des fantasmes de complétude, dans une tentative (illusoire) de combler leur propre manque. Ces mécanismes sont essentiellement inconscients.

Or normalement, la réalité de la relation, avec ses frictions, ses déceptions, ses limites, vient inévitablement ébranler cette image idéalisée. C'est là que l'introduction du troisième peut intervenir. Ce tiers devient une sorte d'écran qui permet de maintenir l'illusion de la rencontre imaginaire, et faire perdurer ce qui est malheureusement terminé.

  • Écran contre le manque : Le tiers focalise l'attention, détourne le regard du manque inhérent à toute relation. Il devient le lieu où se projettent les insatisfactions, les frustrations. Ainsi, le couple peut continuer à croire en son idéal, un monde sans la séparation, en reportant sur le troisième la responsabilité de ce qui « ne va pas » : formation d’un bouc émissaire.

  • Écran contre la division subjective : Lacan insiste sur le fait que le sujet est fondamentalement divisé (signifiant/signifié). Il n'est pas un être unifié et cohérent. Le couple, dans son idéal, cherche à nier cette division, à créer une unité à deux soit un « on ». Le tiers peut aider à maintenir cette illusion en permettant aux partenaires de se sentir "unis contre" lui, de se définir par rapport à lui plutôt que par rapport à leur propre manque.





Dans l'exemple du couple homosexuel, le tiers prend la forme d'une personne réelle. Il ne

s'agit plus seulement d'une fonction symbolique, mais d'un individu avec ses propres désirs, ses propres fantasmes, qui va s'immiscer dans la dynamique du couple et rajouter au désordre ambiant. L'introduction d'un tiers réel peut être interprétée comme une tentative de maîtriser le tiers symbolique, de le réduire à une figure concrète et manipulable. Au lieu d'accepter la loi du manque, la castration, le couple cherche à la contourner en introduisant un élément extérieur qui semble offrir une solution (à bien des égards l’enfant dans les couples hétéros prend cette même place, c’est ce que l’on appelle l’enfant symptôme).

Paradoxalement, cette tentative de maîtrise peut renforcer la dimension imaginaire de la relation et le couple pourra imaginairement ne pas avoir à se confronter à la question du désir qui devient défaillant et ne pas s’écouter sur l’échec du couple sexuel et parfois, mais pas toujours, laisser l’amour s’installer. C’est comme cela que beaucoup deviennent des colocataires ou des amis mais loupent qu’ils ne sont plus un couple au sens propre du terme. Le tiers réel, dit : troisième devient un support de projections, un écran où se jouent les fantasmes et les illusions. Il permet de maintenir la fausseté d'une relation mais à trois, d'une complétude possible, alors que le tiers symbolique vient rappeler systématiquement l'impossibilité de cette même complétude. En gros le tiers devrait être dans la tête, il est symbolique, c’est le langage, à la fois il nous rappelle que nous sommes séparé et à la fois il nous permet d’être en lien avec l’Autre.

En somme, le tiers, dans cette dynamique, est à la fois ce qui perturbe et ce qui permet de maintenir une certaine stabilité imaginaire. Il est le révélateur du manque, mais aussi le voile qui le masque. Il permet de continuer à croire en l'idéal de la rencontre amoureuse, même si cette croyance repose sur une illusion.


Discussion


L'analyse permet d'éclairer ces phénomènes à travers plusieurs concepts clés. La recherche du tiers peut être comprise comme une tentative de gérer l'angoisse liée au Réel (l'impossibilité d’une union) par le biais de l'Imaginaire (l'illusion de complétude) et du Symbolique (la mise en place d'une structure relationnelle qui permet de masquer le manque). Le troisième est donc un symptôme dans notre vignette. Le symptôme nous dit quelque chose et il faut toujours l’écouter, sinon il parlera toujours plus fort pour se faire entendre.


Conclusion


L'étude des dynamiques relationnelles dans le couple homosexuel, à travers le prisme de la psychanalyse, peut permettre de mettre en lumière les enjeux liés à la sexualité, au désir et à la quête de complétude du « on ». L'introduction d'un tiers dans la relation peut être interprétée comme une tentative de gérer l'angoisse liée au manque et la séparation, mais elle peut également révéler les limites de l'illusion d'unité et les défis inhérents à toute relation humaine.


Bibliographie

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·       Rubin, Gayle, « L’économie politique du sexe : transactions sur les femmes et systèmes de sexe/genre », trad. Nicole-Claude Mathieu, in Cahiers du Cedref, 7-1998.

 

 

 

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